La créance née d’une prestation compensatoire, si elle échappe à la règle de l’interdiction des paiements, demeure soumise à celle de l’interdiction des poursuites. Le créancier d’aliments, dont la créance est hors procédure collective, ne peut prétendre être désintéressé sur les fonds détenus par le liquidateur qu’à condition de l’avoir déclarée.
Telle est en substance la solution dégagée par la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans son arrêt rendu le 13 juin 2019 (Cass. com., 13 juin 2019 n° 14-24.587).
En principe, l’ouverture d’une procédure collective a pour effet de geler le passif du débiteur. Les créanciers sont soumis à une interdiction de paiement et à une interdiction des poursuites pendant toute la durée de la procédure. Par ailleurs, compte tenu de la nécessité de fixer le montant du passif du débiteur par un recensement des créances, la loi impose une procédure de déclaration des créances.
Toutefois, cette règle ne s’applique pas au créancier alimentaire. Celui-ci n’a pas à déclarer sa créance au passif du débiteur et échappe à l’interdiction des paiements. La créance alimentaire, étant une dette personnelle du débiteur, doit être payée en dehors de la procédure collective c’est-à-dire sur les revenus dont il conserve la libre disposition et peut être recouvrée par la voie de paiement direct ou de recouvrement public des pensions alimentaires. Néanmoins, les juges offrent la possibilité au créancier alimentaire de participer à la procédure collective et d’être admis aux répartitions. Mais dans ce cas, il devra se soumettre à l’obligation de déclaration.
Ce principe a été rappelé par la Cour de cassation dans son arrêt du 13 juin 2019. En l’espèce, un jugement de 2009 a prononcé le divorce de deux époux. Quatre ans plus tard, l’ex-mari a été mis en liquidation judiciaire. L’ex-épouse a renoncé à déclarer sa créance de prestation compensatoire et saisi le juge-commissaire afin d’obtenir, sur les fonds détenus par le liquidateur, le paiement de sa créance.
La Cour d’appel l’a débouté de sa demande au motif que sa créance ne pouvait être recouvrée sur les sommes et actifs soumis au dessaisissement du débiteur.
À l’appui de son pourvoi, l’ex-épouse faisait valoir que, les interdictions de payer qui concernent les créances antérieures à l’ouverture de la procédure collective ne sont pas applicables aux créances alimentaires, lesquelles doivent être payées sans devoir être déclarées au passif du débiteur. Ce paiement peut être réalisé sur l’ensemble des fonds du débiteur, même ceux affectés à la procédure collective.
Rejetant le pourvoi de l’ex-épouse, la Cour de cassation juge que la créance née d’une prestation compensatoire, qui présente, pour partie, un caractère alimentaire, si elle échappe à la règle de l’interdiction des paiements, demeure soumise à celle de l’interdiction des poursuites. Dès lors, en cas de liquidation judiciaire de son débiteur, cette créance doit, en principe, être payée hors procédure collective, sans que son règlement puisse intervenir sur les fonds disponibles dans la procédure collective. La Cour souligne que le créancier alimentaire peut cependant être admis aux répartitions, mais à la condition qu’il ait déclaré sa créance.
Si le créancier alimentaire peut réclamer paiement de ce qui lui est dû en n’étant pas soumis aux exigences de la discipline collective, il ne peut toutefois prétendre être désintéressé par la voie de la procédure collective sans respecter les règles propres à cette procédure. Néanmoins, s’il n’est pas admis à la procédure en raison du non respect d’une des formalités requises, il conserve tout de même son droit de créance en sa qualité de créancier d’aliments.
Mais, il devra alors recouvrir sa créance suivant les voies de recouvrement de droit commun.