Depuis l’ordonnance Macron n°2017-1387 du 22 septembre 2017, l’article L.1235-3 du Code du travail prévoit un barème des indemnités dues par l’employeur en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Ainsi, pour les licenciements notifiés à compter du 24 septembre 2017, le juge doit désormais appliquer un barème d’indemnisation à verser au salarié en cas de licenciement infondé, celui-ci étant fixé en fonction de l’ancienneté du salarié et de la taille de l’entreprise.
Toutefois, ce barème est à ce jour remis en cause par les juges prud’homaux en dépit des décisions du Conseil constitutionnel (1) et du Conseil d’Etat (2) reconnaissant sa conformité au regard de la constitution pour le premier et des textes internationaux pour le second.
Ainsi, dans plusieurs jugements en date de décembre 2018, les conseils de prud’hommes de Troyes (3), d’Amiens (4) et de Lyon (5) se sont opposés à l’application du « barème Macron », le jugeant contraire à la convention n°158 de l’OIT et à la charte sociale européenne qui consacrent les principes d’indemnisation « adéquates » et de « réparation appropriée » pour tout licenciement sans motifs valables.
Moins d’un mois après ces décisions, les 17 et 18 janvier 2019, les Conseils de prud’hommes d’Angers (6) et Grenoble (7) ont rendu des décisions similaires, écartant l’application du « barème Macron » en raison de son inconventionnalité.
Plus récemment, le 5 février 2019, le juge départiteur du Conseil de prud’hommes d’Agen (8) s’est affranchi à son tour, des limites du « barème Macron » en octroyant des indemnités supérieures au plafond d’indemnisation, soit 4 mois de salaire aux lieu et place des 2 mois prévu par le barème.
Cette dernière décision est intéressante en ce que dans sa motivation, le magistrat professionnel considère que :
« le barème établi par l’article L1235-3 du Code du travail ne permet pas dans tous les cas une indemnité adéquate ou une réparation appropriée, ne prévoyant pas des indemnités d’un montant suffisamment élevé pour dissuader l’employeur et pour compenser le préjudice subi par le salarié ».
Toutefois, soulignons que tous les conseils de prud’hommes n’ont pas la même position.
Tel est le cas du conseil de prud’hommes de Caen (9) qui a jugé, à l’instar de celui du Mans (10) que le « barème Macron » est conforme aux dispositions conventionnelles, s’appuyant pour ce faire sur la décision du Conseil constitutionnel qui aurait considéré que ce barème offre une indemnisation « adéquate ».
Dans ce contexte, compte tenu de la prolifération des décisions portant sur la compatibilité du « barème Macron », le 26 février 2019 (11), le Ministère de la justice a adressé aux procureurs
généraux une circulaire leur demandant à être informé de toutes les décisions sur le sujet et surtout des recours contre les décisions rendues en première instance.
On relèvera par ailleurs que la chambre sociale de la Cour d’appel de paris, saisie de l’inconventionnalité du barème lors d’une audience en date du 14 mars 2019, a renvoyé l’affaire au 23 mai prochain afin d’entendre l’avis du parquet général.
Dans l’attente de cet avis, le feuilleton judiciaire continue…
Encore récemment, le 9 avril dernier, le Conseil de prud’hommes de Bordeaux (12) a jugé que le « barème Macron » n’est pas compatible aux dispositions conventionnelles d’indemnité adéquate ou de réparation appropriée.
Il faudra attendre, très prochainement, la décision de la Cour de cassation, pour avoir une réponse claire sur cette question.
(1) C. Const., Décision 2018-761 DC du 21 mars 2018, J0 du 31
(2) Conseil d’Etat du 7 décembre 2017 n°415243
(3) Conseil de prud’hommes Troyes 13 déc. 2018 n°18/0041
(4) Conseil de prud’hommes Amiens 19 décembre 2018 n° 18-00040
(5) Conseil de prud’hommes Lyon, 21 décembre 2018, n° F18-01238
(6) Conseil de prud’hommes Angers, 17 janvier 2019, n°18-00046
(7) CPH Grenoble, 18 janvier 2019, n° F/00989
(8) Conseil de prud’hommes, Agen, Départage, 5 février 2019, N°18/00
(9) Conseil de prud’hommes Caen du 18 déc. 2018, n°17/00193
(10) Conseil de prud’hommes Mans 26 sept. 2018, n°17/00538
(11) Cir. min. Justice C3/201910006358 du 26 février 2019
(12) Conseil de prud’hommes de Bordeaux 9 avril 2019 n°18/00659